L'histoire derrière la fête nationale soudanaise du 1er janvier

fête nationale soudanaise

Ingrid Nováková, spécialiste international, 1 Janvier 2025

Pourquoi le 1er janvier ?

Le Soudan célèbre sa fête nationale le 1er janvier pour commémorer son indépendance obtenue en 1956, après des décennies de domination coloniale conjointe britannique et égyptienne sous la forme du condominium anglo-égyptien. Cette indépendance a été proclamée de manière pacifique, sans conflit majeur, après des négociations diplomatiques entre les forces politiques soudanaises et les puissances coloniales. Le 1er janvier a également une signification pratique, car cette date avait été utilisée historiquement pour des événements administratifs importants sous l'administration coloniale, notamment les ajustements financiers et politiques du condominium.

Contexte international de l'indépendance du Soudan en 1956

L'indépendance du Soudan en 1956 s'inscrit dans un contexte international marqué par la montée des mouvements de décolonisation après la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, les puissances coloniales européennes, affaiblies économiquement et politiquement par la guerre, faisaient face à une pression croissante des populations colonisées réclamant leur autonomie. La montée de la Guerre froide a également joué un rôle important, car les blocs occidentaux et soviétiques cherchaient à s'attirer l'allégeance des nouveaux États indépendants. Le Soudan, en tant que pays stratégique entre le monde arabe et l'Afrique subsaharienne, intéressait particulièrement les grandes puissances en raison de sa position géographique et de ses ressources.

Dans ce climat, les relations complexes entre la Grande-Bretagne et l'Égypte, qui géraient conjointement le Soudan depuis la fin du XIXe siècle, ont accéléré l'indépendance. L'Égypte, sous le régime de Gamal Abdel Nasser, voyait le contrôle britannique comme une menace à ses ambitions panarabes et pressait pour que le Soudan choisisse entre union avec l'Égypte ou indépendance. Le 19 décembre 1955, le parlement soudanais a voté à l'unanimité pour l'indépendance, officialisée le 1er janvier 1956.

Le rôle de la colonisation britannique-égyptienne dans l'histoire du Soudan

Officiellement administré conjointement par la Grande-Bretagne et l'Égypte, le Soudan était en réalité sous la domination britannique, avec l'Égypte jouant un rôle subordonné. Ce régime colonial a permis aux Britanniques de contrôler les ressources du Soudan, notamment les terres agricoles et le Nil, tout en consolidant leur influence en Afrique et dans la région arabe. Les Britanniques ont divisé le pays entre le Nord, majoritairement musulman et arabe, et le Sud, où prédominaient les populations animistes et chrétiennes.

Sur le plan économique, les Britanniques ont développé des infrastructures comme les chemins de fer et les barrages, principalement pour servir leurs propres intérêts. Le barrage de Sennar, par exemple, a été construit pour alimenter les projets de culture du coton destinés à l'exportation. La structure politique coloniale, centrée sur Khartoum, a marginalisé les régions périphériques, notamment le Sud et le Darfour, accentuant les inégalités régionales. Par ailleurs, l'administration britannique a limité l'éducation et la formation des Soudanais, freinant le développement d'une élite locale capable de prendre en main les affaires du pays.

Les défis rencontrés par le Soudan après l'indépendance

Le premier défi majeur était l'unité nationale dans un pays divisé sur les plans ethnique, religieux et culturel. Le Nord, majoritairement musulman et arabophone, dominait politiquement et économiquement, tandis que le Sud, composé de populations chrétiennes et animistes, se sentait marginalisé. Ces tensions ont rapidement dégénéré en une guerre civile en 1955, un an avant l'indépendance, et se sont poursuivies de manière intermittente pendant des décennies.

Sur le plan économique, le Soudan a également dû faire face à des infrastructures limitées et à une économie largement dépendante de l'agriculture, notamment la culture du coton. La mauvaise gestion des ressources, combinée à une corruption endémique, a entravé le développement du pays. Les sécheresses récurrentes et la désertification ont aggravé l'insécurité alimentaire, tandis que les conflits internes ont freiné les investissements et la croissance. Sur le plan politique, le Soudan a connu une instabilité chronique, alternant entre des régimes militaires et des gouvernements civils fragiles, souvent marqués par des coups d'État.

Comment le Soudan célèbre-t-il sa fête nationale aujourd'hui ?

La journée commence généralement par des cérémonies officielles organisées par le gouvernement, avec des discours prononcés par des dirigeants politiques pour rappeler l'importance de l'indépendance et célébrer la souveraineté nationale. À Khartoum, la capitale, des défilés militaires ont lieu, montrant la puissance des forces armées. Les bâtiments publics et les rues principales sont décorés aux couleurs nationales, et des drapeaux sont distribués et affichés par les citoyens.

En dehors des cérémonies officielles, la fête nationale est aussi l'occasion de célébrations populaires. Les familles et les communautés locales organisent des rassemblements où la musique traditionnelle, la danse et la gastronomie soudanaise occupent une place importante. Des concerts, souvent animés par des artistes locaux, attirent de nombreux jeunes et mettent en lumière la richesse culturelle du pays.

Comparaison avec les autres indépendances africaines des années 1950

Alors que de nombreux pays africains sous domination coloniale européenne devaient encore attendre les années 1960 pour accéder à leur souveraineté, le Soudan a été parmi les premiers à devenir indépendant. La transition a été facilitée par des négociations diplomatiques entre les forces politiques soudanaises, la Grande-Bretagne et l'Égypte. Contrairement à l'Algérie ou au Kenya, où des luttes armées contre le colonisateur ont marqué le processus d'indépendance, le Soudan a évité un conflit direct grâce à un vote unanime au parlement et à un compromis entre les puissances coloniales.

Cependant, à l'instar d'autres pays africains indépendants à la même période, comme le Ghana en 1957, le Soudan a hérité de défis structurels importants. La plupart des États nouvellement indépendants étaient économiquement dépendants de leurs anciennes métropoles et confrontés à des divisions internes exacerbées par les politiques coloniales. Dans le cas du Soudan, les tensions entre le Nord et le Sud, résultat de la politique britannique de séparation régionale, rappellent les difficultés de construction nationale rencontrées par d'autres pays africains multiethniques, comme le Nigéria.