Ingrid Nováková, spécialiste international, 6 février 2025
Le Waitangi Day, célébré chaque 6 février en Nouvelle-Zélande, marque la signature du Traité de Waitangi en 1840 entre la Couronne britannique et plus de 500 chefs maoris. Ce traité visait à établir la souveraineté britannique tout en garantissant aux Maoris la possession de leurs terres et leurs droits.
Le document contenait trois articles majeurs. L’article 1, en anglais, stipulait que les Maoris cédaient leur « sovereignty » (souveraineté) à la Couronne, mais la version maorie utilisait le mot « kawanatanga » (gouvernance), laissant entendre une simple administration coloniale plutôt qu’un abandon total de pouvoir. L’article 2 garantissait aux Maoris leurs terres, forêts et pêcheries, mais le mot « possession » fut traduit par « tino rangatiratanga » (autorité absolue). L’article 3 promettait aux Maoris les mêmes droits que les sujets britanniques.
En 1975, face aux revendications des Maoris dénonçant les violations du traité, le gouvernement créa le Waitangi Tribunal, une commission chargée d’examiner les plaintes et d’accorder des compensations. Des accords furent signés, comme celui avec la tribu Ngāi Tahu en 1998, aboutissant à une indemnisation de 170 millions de dollars.
Les démonstrations de waka (canoës traditionnels) sont caractéristiques du Waitangi Day. De gigantesques waka taua (canoës de guerre) sculptés voguent sur la baie de Waitangi, pagayés par des dizaines de guerriers maoris en habits traditionnels. Par exemple, le Ngātokimatawhaorua, un waka de 35 mètres restauré en 1974, peut transporter plus de 100 rameurs et est l’un des plus grands du monde. Les danses haka, notamment le Ka Mate popularisé par les All Blacks, sont réalisées à la fois dans un cadre festif et de protestation.
Depuis les années 1970, le Waitangi Day est souvent marqué par des manifestations. En 1981, un activiste maori aspergea le gouverneur général Sir David Beattie d’encre rouge en signe de protestation contre les violations du traité. En 1995, un groupe de militants mené par Tame Iti brûla un drapeau néo-zélandais lors des cérémonies officielles. Plus récemment, en 2016, des protestataires ont bloqué l’entrée du Waitangi Treaty Grounds pour empêcher le Premier ministre John Key d’y accéder.
Certains Néo-Zélandais critiquent le caractère conflictuel du Waitangi Day et proposent de le remplacer par une fête plus unificatrice, comme l’ANZAC Day, qui commémore les soldats néo-zélandais tombés au combat. D’autres revendiquent une réforme du statut du traité dans la loi, avec une reconnaissance plus forte des droits maoris. En 2022, des débats ont éclaté sur l’idée d’accorder à Te Tiriti o Waitangi (le traité en maori) un rôle plus contraignant dans la Constitution du pays.