Céline Arétin, responsable des sujets culturels, féminins et relatifs à l'écologie, 9 février 2025
Sainte Apolline est une martyre chrétienne du IIIe siècle, originaire d’Alexandrie en Égypte. Lors des persécutions anti-chrétiennes sous l’empereur Dèce en 249, elle est arrêtée par une foule païenne. Selon Denys d’Alexandrie, témoin de son supplice, elle est violemment battue, et ses dents sont brisées une à une à l’aide de pierres, avant d’être complètement arrachées. Ses bourreaux allument ensuite un bûcher sur une place publique, probablement à proximité du Serapeum d’Alexandrie. Ils lui donnent alors le choix : renier sa foi ou être brûlée vive. Plutôt que de céder, elle s’élance dans les flammes, préférant le martyre à l’apostasie. Son supplice, marqué par l’arrachement de ses dents, fait d’elle la patronne des dentistes et de tous ceux souffrant de douleurs dentaires.
En Alsace, au XIXe siècle, on trouvait une coutume appelée « la dent d'Apolline » : les paysans fabriquaient de petites amulettes en os de bœuf, qu’ils enterraient près des maisons pour éloigner les douleurs dentaires de leur famille. En Espagne, dans la ville de Valence, les fidèles boivent encore aujourd’hui de l’« Agua de Santa Apolonia », une eau bénite censée protéger des infections dentaires.
Sainte Apolline a été reconnue comme martyre dès le IIIe siècle par l’Église chrétienne, grâce aux écrits de Denys d'Alexandrie, qui rapporte son supplice dans une lettre adressée au pape Fabien. En 1586, le pape Sixte V officialise sa fête le 9 février et l’intègre au Calendrier des saints. Elle est ensuite confirmée comme patronne des dentistes par le pape Clément VIII en 1599. Son culte est renforcé au XVIIe siècle, lorsque la Confrérie des chirurgiens-dentistes de Paris la choisit officiellement comme protectrice et organise une messe annuelle en son honneur à l’église Saint-Côme et Saint-Damien.
Parmi les œuvres les plus célèbres, on trouve un tableau du peintre Francisco de Zurbarán (1636) conservé au Museum of Fine Arts de Boston, où elle est peinte en robe rouge, tenant une pince et un rameau de palme. À Venise, dans l’église San Stae, une fresque baroque de Giovanni Battista Tiepolo (1737) représente son supplice. En France, une statue en bois du XVIe siècle, visible dans l’église Saint-Maclou à Rouen, montre la sainte tenant une molaire dorée. À Notre-Dame de Paris, un bas-relief du portail sud la représente avec une expression de sérénité. À Bruges, dans l’église Notre-Dame, une statue du XIVe siècle montre la sainte en train de subir l’arrachement d’une dent par ses bourreaux. Dans la littérature, le moine bénédictin Jacques de Voragine lui consacre un passage dans sa célèbre Légende dorée (XIIIe siècle), où il détaille son supplice. Au XIXe siècle, le poète Charles Baudelaire fait référence à son supplice dans un passage de Mon cœur mis à nu, où il compare la douleur existentielle à l’arrachement des dents.